Quel est votre parcours et comment est né NOUS anti-gaspi ?

Charles Lottmann : j’ai quitté les bancs de l’ESSEC en 2011 et, après quelques années passées dans la restructuration d’entreprises, j’ai voulu donner un nouveau sens à ma carrière et m’engager dans des projets écoresponsables. En 2015, j’ai donc rejoint Phenix, une jeune entreprise qui valorise les invendus de la grande distribution. Un an plus tard, j’ai décidé de me consacrer à la réduction du gaspillage alimentaire directement auprès des producteurs et des fabricants, pour créer une offre complémentaire à celle de Phenix. Après avoir testé différents concepts, j’ai rencontré Vincent Justin, entrepreneur depuis plusieurs années, qui, comme moi, souhaitait s’engager dans des projets liés à une utilisation plus responsable des ressources. Nous nous sommes donc associés pour lancer NOUS anti-gaspi.

Pouvez-vous nous présenter votre concept ?

C. L. : NOUS anti-gaspi est un réseau de magasins alimentaires qui propose aux fabricants et aux producteurs une solution pour la revente de leurs invendus. Car la grande distribution peut refuser la mise en rayon de leurs produits pour diverses raisons : fruits et légumes abîmés, produits dont l’emballage est endommagé, quantité produite trop importante pour être vendue en totalité… Nous les proposons alors à un prix inférieur de 30 % en moyenne par rapport au réseau classique. Mais attention, nous ne cherchons pas à concurrencer les grandes surfaces. En effet, comme notre offre dépend des invendus des producteurs et des fabricants, elle varie trop pour que nous soyons une véritable alternative à la grande distribution. La plupart du temps, nos clients se rendent d’abord dans nos magasins, puis complètent leurs achats en grandes surfaces traditionnelles.

Qui sont vos clients ?

C. L. : ils ont des profils très variés, mais nous retrouvons chez eux les mêmes motivations, à commencer par nos prix très attractifs. Ensuite, l’engagement écologique de NOUS anti-gaspi est essentiel pour nos clients qui veulent donner du sens à leur acte d’achat en offrant une seconde chance à des produits parfaitement consommables. Enfin, la dimension conviviale de nos épiceries est un facteur important pour nos clients qui apprécient le contact humain. En effet, l’ambiance chaleureuse de nos magasins de petite taille est souvent préférée à celle d’un super ou d’un hypermarché. Et nos clients sont fidèles ! Certains viennent même plusieurs fois par semaine dans nos épiceries.

Auprès de qui vous approvisionnez-vous ?

C. L. : nous travaillons aujourd’hui avec un peu plus de 200 fournisseurs. 80 % d’entre eux sont des producteurs et des fabricants, du petit maraîcher local à l’industriel de l’agro-alimentaire. Nos autres fournisseurs sont des grossistes qui ont des invendus de temps en temps, ou bien des logisticiens qui, pour diverses raisons, se voient refuser leurs marchandises sur le point de livraison. Ces fournisseurs nous sollicitent de manière irrégulière et ponctuelle, d’où la nécessité de constituer un réseau important et des partenariats solides. Pour nos clients, cela leur permet de bénéficier d’une offre qui évolue constamment, et que nous leur communiquons via la page Facebook de leur magasin.

Comment se porte votre activité ?

C. L. : très bien. Nous cherchons à atteindre, pour l’année 2019, un chiffre d’affaires d’au moins 4 M€. Les produits alimentaires représentent 85 % de nos revenus. Mais nous commercialisons également des produits d’hygiène du quotidien, comme des savons, des shampoings et des produits d’entretien… Nous travaillons aussi avec Petit Bateau pour proposer une offre de prêt-à-porter.
De plus, notre 4^e épicerie a ouvert ses portes à l’Est de Rennes en août dernier et nous avons deux autres ouvertures prévues en octobre, à Cherbourg et à Paris. Nous avons décidé de développer ces magasins sous licences de marque et d’associer les dirigeants au capital de leur point de vente.

Pourquoi choisir cette stratégie de développement ?

C. L. : le contrat de licence de marque est intéressant, car il permet d’accompagner chaque magasin en termes de formation, de communication, d’approvisionnement… Mais pour nous, chaque ouverture de magasin est également un nouveau projet, une aventure qui démarre, et, comme les directeurs sont très engagés dans la réussite de leur magasin, nous avons souhaité qu’ils aient accès à une part du capital.

Comment vous financez-vous ?

C. L. : au démarrage du projet, les fonds propres ont été apportés par Vincent et moi-même, mais également par Phenix qui est partenaire du projet. Chaque magasin contracte de son côté des prêts bancaires pour financer l’achat de matériel, l’aménagement du point de vente… Il faut compter un investissement de l’ordre de 250 000 € pour ouvrir une nouvelle épicerie.
Pour le moment, nous avons sécurisé nos financements pour l’ouverture des 10 prochains magasins. Une fois que nous aurons atteint cet objectif, nous organiserons peut-être une levée de fonds mais, à court terme en tous cas, cela n’est pas prévu.

Quelle est la clé de votre réussite ?

C. L. : nous permettons à nos clients d’adopter une attitude éco-responsable tout en faisant des économies. Du côté des fournisseurs, notre activité est économiquement intéressante, car elle leur offre une solution de revente à un prix juste de leurs invendus. En effet, nous ne cherchons pas à casser les prix, mais revendiquons fortement la dimension éthique de notre activité. Cela plaît à nos fournisseurs qui, d’une part, obtiennent une rémunération acceptable, et, d’autre part, se sentent valorisés car leurs produits n’ont pas fini à la poubelle. Ainsi, avec nos magasins, nous estimons qu’environ 100 tonnes de déchets alimentaires sont sauvées chaque mois !

Quels sont vos projets pour l’avenir ?

C. L. : nous avons pour ambition, à moyen terme, d’ouvrir entre 20 et 30 nouveaux magasins, principalement dans le grand Ouest de la France, première région du pays en termes de production agro-alimentaire. Mais nous ne voulons pas nous restreindre exclusivement à cette zone…

Fiche d’identité
Dénomination : NOUS anti-gaspi
Activité : revente des invendus alimentaires des producteurs et des industriels
Chiffre d’affaires (objectif 2019) : 4 M€
Effectif : 25 salariés