Édouard Gouin et Clément Ouizille ont créé Convelio en 2017, un commissionnaire de transport dédié aux œuvres d’art s’appuyant sur des outils innovants pour renforcer sa proposition de valeur. Interview d’Édouard Gouin, l’un des fondateurs.
Comment vous est venue l’idée de Convelio ?
Édouard Gouin : nous nous sommes rencontrés avec Clément, mon associé, au début de notre carrière, chez Rocket Internet. Après avoir monté une première entreprise ensemble, nous avons chacun travaillé dans le monde de l’art et du design, Clément chez Panomo et moi en créant une plate-forme de mise en relation de designers et de producteurs de meubles utilisant la réalité augmentée. Au cours de ces expériences, nous avons constaté que l’expérience client dans la vente en ligne de l’art était très éloignée des attentes des clients, avec des délais importants pour obtenir un prix de transport et donc de fortes frictions à l’achat. Par ailleurs, les prix étaient très élevés car le marché du transport d’œuvres d’art est très concentré, et ce dans tous les pays. Dans le même temps, les prestataires n’étaient pas du tout les mêmes en fonction des trajets à réaliser à l’international. Ces problématiques nous ont été confirmées par la soixantaine d’acteurs du monde de l’art que nous avons rencontré. Cela nous a convaincu de créer Convelio, avec pour objectif de développer une plate-forme de tarification instantanée, au minimum pour les grands pays d’Europe.
En quoi consiste votre métier ?
E. G. : nous faisons le travail d’un commissionnaire de transport, mais sur le segment particulier du transport d’œuvres d’art, d’antiquités, de pièces de design un peu coûteuses… Notre rôle est donc d’organiser le transport de bout en bout, de l’emballage et de l’enlèvement jusqu’au dernier kilomètre, avec éventuellement l’installation. Tout cela en fonction de l’adresse d’enlèvement, de l’adresse de livraison et des diverses contraintes données par le donneur d’ordre, par exemple en termes de délais.
Qu’est-ce qui vous différencie de vos concurrents ?
E. G. : un prix plus bas que le marché tout d’abord, en évitant au maximum les intermédiaires, et notre algorithme permettant une tarification instantanée. De véritables game changers*. Nous avons aussi développé plusieurs outils qui nous permettent de nous différencier sur un marché jusqu’alors peu digitalisé. Alors même que de plus en plus d’acheteurs sont de la génération qui a grandi avec Amazon et attendent une expérience client similaire.
Tout d’abord, nous fournissons un logiciel à nos prestataires qui nous permet de mettre en place un tracking de porte à porte, incluant toutes les étapes et dont le lien est aussi fourni au client final. C’est une proposition de valeur très forte, car cela n’existait pas avant sur ce marché.
Ensuite, nous avons essayé de nous différencier en déclinant nos outils en fonction de la typologie des clients. Nous avons la plate-forme en ligne et l’API permettant aux e-commerçants d’intégrer notre outil de tarification. Nous avons aussi développé un logiciel dédié aux maisons de vente qui permet de générer en quelques secondes des milliers de quotes pour les centaines, voire les milliers de lots, de les envoyer aux clients, de partager un lien de paiement… Cela apporte beaucoup de valeur à ces acteurs et permet de renforcer l’efficacité de leurs équipes logistiques.
Enfin, l’une de nos forces réside dans le service client. L’algorithme de tarification décharge nos équipes de la réalisation des devis et leur permet de se recentrer sur la relation client pour fournir le meilleur service possible.
Qui sont vos clients et comment les avez-vous convaincus de vous faire confiance ?
E. G. : nous nous adressons à toutes les personnes qui vendent ou achètent de l’art : galeries d’art, maisons de vente aux enchères, sites d’e-commerce d’art… et particuliers. Car l’un de nos objectifs était justement d’apporter de la transparence au client final sur un marché jusque-là très opaque en termes de tarification. Nous sommes entrés par la petite porte et nous nous sommes développés progressivement grâce à la recommandation de nos clients, passant ainsi de petits à de gros comptes. Nous avons commencé par travailler avec de petits antiquaires, les Puces à Paris, par exemple, ainsi que des foires d’antiquités comme il peut y en avoir en Italie ou en Angleterre. Nous leur avons montré que nous pouvions proposer les mêmes prestations que leurs partenaires habituels, mais moins cher et avec une tarification plus rapide, leur permettant ainsi de mieux convertir leurs ventes. Nos clients nous ont recommandé à d’autres, notamment à une grosse plate-forme qui répertorie toutes ces galeries, avec qui nous avons commencé à travailler en direct. Nous sommes ensuite entrés dans le monde des maisons de vente grâce aux clients qui achetaient auprès de cette plate-forme et qui nous ont recommandé auprès d’autres acteurs de l’art. Enfin, via leurs clients, les maisons de vente nous ont amené vers des galeries d’art plus connues internationalement.
Quels sont vos projets à court et moyen termes ?
E. G. : nous venons de boucler une levée de fonds de 9 M€, avec en vue l’ouverture d’un bureau à New York cet été, en plus de nos bureaux de Paris et de Londres. Les États-Unis sont le plus gros marché pour l’art. C’est aussi celui sur lequel nous expédions le plus, quasiment les trois quarts de nos flux, et c’est un gros moteur de croissance. Donc c’est important d’être présent là-bas, tout d’abord pour des raisons pratiques comme les fuseaux horaires, la règlementation… Et pour faire du développement commercial, il faut avoir une force de vente sur place. L’idée est de commencer avec une petite équipe de 5 à 6 personnes, d’avoir une approche humble et de voir comment évolue l’activité avant de développer le bureau.
À terme, d’autres bureaux à l’international pourraient être envisagés, par exemple à Hong Kong parce que l’Asie est également un marché très important, voire des bureaux régionaux en Europe. Mais c’est une réflexion à plus long terme car cela rajoute beaucoup de complexité. Gérer 3 bureaux va déjà être un énorme challenge.
Avez-vous des projets de diversification ?
E. G. : oui, nous envisageons de nous développer sur d’autres segments. Nous avons une expertise sur tout ce qui est volumineux, lourd et cher, et ces caractéristiques ne concernent pas uniquement l’art. C’est par exemple le cas du matériel médical, des équipements industriels high tech ou encore du luxe… Nous étudions les possibilités en regardant trois paramètres : la possibilité de réutiliser la chaîne logistique que nous avons mise en place, la réplicabilité de notre modèle d’instant pricing et, enfin, la taille du marché et sa structure concurrentielle. Nous sommes en recherche de partenaires potentiels soit au sein des industries en question, des acteurs qui cherchent à développer de nouvelles offres, soit des prestataires logistiques qui reçoivent des demandes complexes qui correspondent à nos compétences : fragile, onéreux… Tout cela est encore en réflexion, mais l’objectif est d’essayer de lancer un pilote sur un segment d’ici la fin de l’année.
* atouts-clés
Fiche d’identité
Dénomination : Convelio
Activité : transport d’œuvres d’art
Croissance en 2019 : +300 %
Effectif : 43 collaborateurs
Présence géographique : Paris et Londres